top of page
behemoth3-1600x900-c-default_edited_edited_edited_edited_edited.jpg

TRAVERSES #2 / L'éco-documentaire
à l'épreuve de l'anthropocène

Éditorial
De la finitude de notre monde

        L’anthropocène, ce concept qui désigne l’ère géologique dans laquelle nous vivons, dont le nom fait encore débat parmi les scientifiques mais dont les symptômes paraissent jour après jour plus évidents, invite à repenser l’homme et la nature ensemble, dans leurs interactions et leurs entrechocs, pour prendre la mesure de l’incidence humaine sur le désordre environnemental planétaire qui se joue sous nos yeux.

 

      Dans l’urgence, les problématiques posées par l’anthropocène exhortent à remettre en question et à réinventer sans cesse nos façons d’habiter le monde et de le raconter. Elles remuent inévitablement les fondements du cinéma documentaire en ce sens qu’elles interrogent autant sa capacité de représentation et d’impact que le sens même de sa pratique, de la responsabilité et de l'éthique du cinéaste, jusqu’à la propre matérialité du film qui appelle à une nouvelle écologie des moyens de production.

 

      Ce nouveau numéro de la revue Traverses s’empare de cette proposition avec le désir d’embrasser les problématiques dans leur diversité – le changement climatique, la déforestation, la couche d’ozone, l’agro-alimentaire, l’hyperurbanisation…, de mobiliser les disciplines dans une vision transversale et décloisonnée – l’histoire des sciences, la géographie, la sociologie, les sciences cognitives et de la communication…, et de faire appel à une pluralité de regards – chercheurs et cinéastes depuis la France, la Chine, le Brésil, les États-Unis ou la Nouvelle-Zélande – qui permettent d’interroger le rôle du documentaire et ses manières de rendre compte, documenter, transmettre l’expérience de l’anthropocène.

 

       Les films évoqués ici proviennent pour l’essentiel des deux dernières décennies au cours desquelles le documentaire est le genre qui s’est le plus emparé des enjeux environnementaux, jusqu’à s’ériger en une catégorie à part entière que nos voisins anglo-saxons ont nommé l’éco-documentaire. Chacun de ces films aiguise à sa manière une conscience écologique du monde et de son fragile équilibre. Ce sont leurs récits de partage de l’expérience de l’anthropocène, à travers les stratégies esthétiques et narratives à l’œuvre, qui interpellent.

 

       Car oui, l’anthropocène est une expérience, physique, sensorielle, politique, culturelle, pour ceux qui le filment comme pour ceux qui, à travers l’écran, se confrontent à ces torrents d’images qui sidèrent et génèrent souvent le sentiment d’une urgence paralysante. Il se bâtit sur un horizon de désastres annoncés qui oblige en même temps à nous confronter au mouvement d’un monde en transition. Comme une nécessité vitale, il exhorte à façonner de nouveaux imaginaires en transformant aussi radicalement nos conditions de visibilité. Face à la vulnérabilité du monde, le documentaire se doit d'être à la hauteur de ce champ des possibles et des pires que l'anthropocène nous donne à anticiper.

François-Xavier Destors

bottom of page